La méthode d’écriture de scénario de John Truby n’est pas la seule qui existe, mais je la connais bien. Dans cet article, je vais donc vous expliquer pourquoi je l’ai choisie. À vous ensuite d’en déduire si elle convient à vos objectifs.
Les méthodes d’écriture et la bourgeoisie française
Il existe beaucoup de méthodes d’écriture de scénario, la plupart mises au point par des anglo-saxons. Mais beaucoup d’auteurs Français rechignent toujours à les utiliser, arguant qu’une méthode est nécessairement un carcan impropre à l’expression artistique. Pas besoin de méthode, chacun pourrait écrire comme il le souhaite, puisque c’est de l’art, c’est subjectif. Un raisonnement particulièrement stupide, comme l’explique parfaitement (et plus poliment) Alexandre Astier.
Pour ma part, des méthodes d’écriture, je n’en connais vraiment qu’une : la méthode Truby. J’ai eu la chance de tomber dessus un peu par hasard, il y a dix ans, et l’ai depuis utilisée sur plusieurs scénarios, dont celui que j’écris actuellement. J’ai bien été chercher d’autres méthodes par curiosité, mais aucune ne me convient autant que celle-là.
Pourquoi ? Parce que la méthode d’écriture de scénario de John Truby est parfaitement adaptée à mon objectif principal : écrire des histoires qui soient des critiques morales de notre société.
Quand on y réfléchit bien, la plupart des fictions produites sont des critiques morales du monde dans lequel nous vivons. C’est de toute évidence le cas de presque toutes les grandes productions hollywoodiennes, où le propos moral est facilement identifiable. Mais c’est aussi le cas de tous les films français de gauche subventionnés, à ceci près que ceux-ci s’en défendent. Abrités derrière un relativisme de façade, incapables de comprendre que leur position sociale bourgeoise requiert justement ce relativisme, beaucoup d’auteurs français – et malheureusement beaucoup de spectateurs avec eux – se défendent d’adopter un quelconque point de vue moral, au motif que la morale, c’est moralisateur, c’est manichéen, c’est beauf, c’est américain, bref, c’est de la merde. Je caricature à peine.
Grand bien leur fasse. De mon côté, ce qui m’intéresse, c’est effectivement de parler de la manière dont il faut se comporter dans la vie. Et ça tombe bien, il existe une méthode d’écriture de scénario spécialisée sur cette question : la méthode de John Truby.
La méthode d’écriture de scénario de John Truby
Inutile d’expliquer dans le détail en quoi consiste cette méthode. Vous trouverez l’essentiel rassemblé dans un seul bouquin : L’Anatomie du scénario, publié en France en 2010. Si vous lisez l’anglais, jetez-vous sur la version originale. La version française est bonne dans son ensemble mais on y trouve parfois quelques imprécisions probablement imputables à la traduction.
Chez Truby comme chez beaucoup d’autres, une bonne histoire est une histoire qui met en scène une transformation de personnage. Mais sa particularité est d’insister sur le fait que le personnage doit vivre une transformation à la fois psychologique et morale.
Pour construire cette transformation morale, le scénariste doit organiser un débat moral qui puisse servir de squelette auquel seront rattachés tous les organes du scénario. Le débat moral est le moteur de l’histoire, ce qui pousse les personnages à l’action. Il s’agit d’une discussion (littérale ou incarnée dans des actes, des décors, des symboles) sur le sens de la vie et la manière dont il faut se comporter.
Le parcours typique du personnage se décompose en trois temps :
- Au début de l’histoire, le protagoniste dispose d’une ou plusieurs faiblesses morales. Ces faiblesses ont une double conséquence : elles l’empêchent d’être lui-même heureux mais ont aussi un impact négatif sur la vie des autres.
- Tout le parcours du protagoniste va consister en une lutte pour faire triompher ses valeurs sur celles de ses adversaires.
- A la fin, il vivra une grande révélation psychologique et morale, où il comprendra enfin qui il est et quelle faute morale fondamentale il a commise depuis le début, ainsi que la manière dont il peut la réparer et ainsi triompher de son adversaire.
Une structure simple donc, et parfaitement assumée comme donneuse de leçon ! Tout pour déplaire à ceux que leur mauvaise conscience pousse au relativisme…
Une méthode d’écriture adaptée aux commentaires sociaux et politiques assumés
John Truby a réussi à accoucher d’une méthode d’écriture très fertile. En suivant les étapes proposées dans son bouquin, l’auteur parviendra sans trop de peine à un scénario solide.
Mais cette méthode conviendra surtout aux auteurs qui assument leur volonté de faire la leçon à leurs lecteurs / spectateurs. Je dis bien « assument ». Tous les auteurs font en effet la leçon à leur public, ne leur en déplaise ; il y a simplement ceux qui l’assument et ceux qui ne l’assument pas.
Truby propose une méthode simple pour construire un propos moral, social, politique dans le cadre de la fiction. Il ne s’agit pas de construire des dissertations de philo – quoique, les deux ne sont peut-être fondamentalement pas si éloignés. Il s’agit ici de proposer au public des interactions entre des personnages qui disent quelque chose sur le monde dans lequel nous vivons. (Et contrairement à ce qu’on pourrait penser au premier abord, le genre le plus adapté au propos sur le monde réel est sans doute la science-fiction. Mais c’est un autre débat.)
Pour ma part, j’ai donc choisi cette méthode et n’ai jamais ressenti le besoin d’aller voir ailleurs, parce qu’elle est parfaitement adaptée à mon objectif – écrire des histoires qui soient des commentaires sur les différentes positions morales que j’oberve chez mes contemporains.
Si vous n’avez pas ce genre d’objectif, pas sûr que la méthode Truby vous soit recommandée. Mais vous en connaissez peut-être d’autres ? N’hésitez pas à le dire dans les commentaires !