Ça faisait longtemps que je l’attendais : la bande dessinée d’entraînement m’amène enfin à dessiner un objet, et pas n’importe lequel : une machine. Je crois que la dernière occasion remontait à la tentative de dessin d’une voiture. C’était il y a plus d’un an. Et les mêmes problèmes se sont présentés, notamment l’obligation de travailler sur la perspective.

En bande dessinée, les objets font partie de l’histoire autant que les personnages

D’abord, un mot sur les rapports entre dessin et scénario. En résumé : ils sont organiques.

Le dessin au service du scénario

Le dessin est un peu la star de la BD. Pourtant, il est souvent dans une position de subalterne par rapport au scénario. En effet, c’est presque toujours le contenu de l’histoire racontée qui dicte ce qui doit être dessiné, et non l’inverse.

Entre parenthèses, l’un des problèmes de la bande dessinée française actuelle est son indigence scénaristique. Celle-ci ne fait vraiment pas justice à des dessinateurs pourtant talentueux. Mais fermons cette parenthèse, qui mériterait plusieurs articles pour être traitée correctement…

Dire un maximum de choses sur un personnage en une case

Si j’évoque les liens entre dessin et scénario, c’est pour expliquer ce qui m’a amené à dessiner une machine. Ce choix est dicté par le scénario.

La case que je dois dessiner se trouve sur la planche 3. On est donc dans la présentation des personnages, de leurs enjeux personnels et de leurs rapports entre eux. Dans cette case, je dois présenter Valentin pour la première fois, et il possède plusieurs caractéristiques.

Ce jeune lycéen de 15 ans a tendance à rêver un peu, en tout cas aux yeux des autres qui le trouvent étrange. Il est absorbé dans ses préoccupations personnelles et entretient peu de rapports avec ses camarades. Ceux-ci ne le comprennent pas et sont plus occupés à des activités plus sociales. Par ailleurs, Valentin est un élève trop doué pour l’école, qui s’ennuie et a un niveau  bien supérieur aux autres. Il est féru de sciences, comme beaucoup de garçons de son âge.

Notre-Dame transformée en centrale électrique

Par ailleurs, cette case se trouve dans une scène où les personnages sont réunis devant la cathédrale Notre-Dame, à Paris. Leur professeur de dessin leur demande de réaliser un croquis de la cathédrale. Les camarades de Valentin s’exécutent. Mais pour présenter le personnage de Valentin de manière efficace, il faut que je lui fasse faire quelque chose de différent des autres, qui illustre la personnalité définie par les éléments évoqués plus haut.

J’ai donc choisi de lui faire suivre la consigne du professeur mais en la « sublimant ». Valentin va dessiner la cathédrale, mais en la transformant… en machine. Cette petite entorse à la consigne du prof fait écho à la planche précédente, où son grand frère redoublant, qui se trouve dans sa classe, avait lui-même échappé au travail donné par le professeur en collant sur son cahier de dessin une carte postale de Notre-Dame. Le dessin de la machine exprime les préoccupations de Valentin : son goût pour la technique et la science d’une part, et sa capacité à imaginer comment transformer le monde d’autre part – qui sera décisive pour l’intrigue de cette bande dessinée.

Mais du coup, quelle machine ? Car c’est bien beau d’avoir une idée en tant que scénariste… Quand il faut la dessiner soi-même c’est une autre paire de manches !

En faisant des recherches sur cette histoire, j’étais un jour tombé sur une photo de centrale électrique :

Ne me demandez pas comment j’ai atterri dessus… Ça fait partie des méandres mystérieux de l’enquête scénaristique ! Toujours est-il que cette machine, avec ses deux roues très hautes à l’avant et son corps allongé, m’a fait penser à la forme de Notre-Dame de Paris.

Ce sera donc l’objectif de cette case : dessiner une machine inspirée de cette centrale électrique.

Dessiner une machine en perspective : les volumes de base, puis les petits volumes, puis les détails

Pour commencer, quelques croquis de recherche :

On voit que la composition et la forme de la machine ont évolué au fur et à mesure des croquis. Les roues énormes à l’avant ont été reléguées sur le côté, car elles permettent de rappeler la rosace latérale (sud) de la cathédrale. A l’avant (façade ouest), deux grandes cheminées assureront le rappel des tours de Notre-Dame. En tout cas, c’est à peu près le plan…

On passe donc à la case proprement dite, avec d’abord les volumes de base mis en perspective :

Les ellipses (les cercles mis en perspective), je ne vous cache pas que c’est pas super évident. Voir le petit tutoriel vidéo de Dessindigo à ce sujet.

On continue en ajoutant de plus petits éléments :

Et on finit par les détails, avec la main du personnage en train de dessiner :

Il y aurait encore plein de choses à ajouter mais j’essaierai de le faire à l’encrage. Encrage que je ferai à la main, d’ailleurs, et pas à la règle, car le personnage est censé dessiner ça à main levée…! Il faudra d’ailleurs y aller mollo sur les détails.